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#JNArchiÀ l'occasion des Journées nationales de l'architecture placées sous le signe du «vivre-ensemble», la rédaction de tema.archi s'est intéressée à la relation entre l'architecte et l'habitant dans la définition du logement de demain. Tour d'horizon de ce qui en a été dit dans la presse ces derniers mois.
© Ján Jakub Naništa
© Ján Jakub Naništa
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Comment allons-nous vivre ensemble ? Cette question, non seulement à l’honneur dans le cadre des Journées Nationales de l’Architecture 2021, rythme aussi les débats actuellement menés à l’occasion de la 17e Biennale d’architecture de Venise qui se poursuit jusqu’au mois de novembre.

Le choix de la thématique s'inscrit en «rupture» vis-à-vis des éditions précédentes selon Marc Armengaud, philosophe et urbaniste interrogé par France Culture, qui estime que la «formulation habile» du vivre-ensemble va bien au-delà des interrogations internes à la discipline d’habitude à l'honneur.

«Vive ensemble comme un horizon de dépassement de la maîtrise architecturale, ou comme une question sociétale est une rupture dynamique qui est la seule manière pour notamment les pays développés de voir apparaître ce que Christophe Hutin, dans le pavillon français, appelle les communautés à l’œuvre avec les architectes», résume-t-il.

Ce concept, l'architecte et commissaire du pavillon français à la Biennale de Venise 2021, en a ainsi fait le point de départ de l'exposition présentée à cette occasion soutenant ainsi l'idée que l’architecture doit se construire avec et pour ses habitants avant tout :

“L’architecture ce n’est pas fait pour être regardé, c’est fait pour être habité. L’architecture, sa grande différence, c’est qu’il y a des personnes à l’intérieur qui en font l’usage.”

Le plaisir d’habiter

Une position qui fait mouche aujourd’hui alors qu’en mars dernier, le duo français Lacaton & Vassal souvent remarqué pour la place centrale qu’ils offrent à l’habitant, se voyait récompensé du prix d’architecture international Pritzker et par la même occasion, célébré à travers le monde. «La façon d’habiter, le plaisir d’habiter, c’est ça qui est le plus important aujourd’hui», confiait Jean-Philippe Vassal à Libération.

Ces convictions, les deux architectes les portent depuis les débuts de leur agence dans les années 1990. À cette époque, ils se font connaître avec le projet «Maison Latapie» à Floirac, près de Bordeaux, devenu depuis emblématique d’un logement à la fois spacieux, autonome et bon marché. Aux «allures de hangar», la demeure surprend par ses dimensions généreuses et ses espaces rendus modulables grâce à une enveloppe grise en fibro ciment contrastant avec un intérieur entièrement en bois.

Une manière pour les architectes d'interroger les limites de la maison traditionnelle, comme l'évoque Anne Lacaton dans le documentaire qui leur est dédié, réalisé par Leonardo Di Constanzo en 1999 :

“On se demande comment on peut se passer de cette nécessité de faire fonctionner une maison par l’extérieur, et non pas contre l’extérieur. En réalité, la maison est illimitée, elle va jusqu’au bout du jardin. Habiter un espace, un site, un paysage plutôt qu’habiter entre quatre murs, c’est fondamental.”

Le projet de vie comme projet d'architecture

De cette attention portée à la superficie des logements et le lien entre espaces extérieur et intérieur, leurs projets emblématiques en témoignent. À l’instar de l’opération menée à la Tour Bois le Prêtre en 2011 qui consiste à ajouter des extensions chauffées, jardins d’hiver et balcons bioclimatiques ou encore la transformation en 2017, par l’adjonction de jardins d’hiver et de balcons, de 530 logements dans le quartier du Grand Parc à Bordeaux.

L’architecte Christophe Hutin participe à cette opération. Un «cas» qu'il a d'ailleurs choisi, en tant que commissaire, de mettre en perspective dans le cadre de l'exposition présentée au Pavillon Français de la Biennale de Venise, face à la pratique vernaculaire d’habitants de la ville d'Hanoi au Vietnam «qui, de leur propre initiative, greffent sur les façades de leurs unités d’habitation collective d’impressionnantes extensions à leur appartement», expliquait-il auprès de Libération. «Moi, ce que je voudrais, c’est que la participation des gens soit une ressource en amont, confiait-il alors. Il ne faut pas faire l’économie de l’humain parce que l’architecture s’adresse aux gens pour qui on la fait».

Une méthode qui nécessite, selon lui, la rencontre et la discussion avec les gens, pour comprendre leur parcours de vie, ou «comment un projet de vie peut se traduire en architecture», et qu’il met entre autres en pratiques dans le cadre du projet Grand Parc à Bordeaux, «installant ainsi ses bureaux sur place pendant les deux ans et demi qu’a duré le chantier».

Dynamique des usages et concertation

Moins que les espaces eux-mêmes, l’attention doit être portée sur les usages du lieu, abonde l'anthropologue et géographe Sonia Lavadinho, dont les recherches portent notamment sur les dynamiques de proximité et la proxémie de l'espace public. Contactée par téléphone, elle raconte :

“Aujourd’hui, on voit beaucoup de logements se construire comprenant des espaces partagés. Mais pour que les habitants du lieu s’en emparent, il faut accompagner le projet et créer du dialogue autrement ça ne fonctionne pas.”

Pourtant partout en France, de Strasbourg à Rennes, force est de constater que l'ambition de co-construction infuse progressivement au regard de la multiplication des concertations citoyennes ces derniers mois à l'échelle de la ville comme du bâtiment. En mars dernier, Le Monde rapportait ainsi le retour d'expérience de l'architecte Manuelle Gautrand dans le cadre de la conception dubâtiment Edison Lite place d'Italie à Paris et lauréat de l’appel à projets Réinventer Paris.

Sa particularité : la concertation avec les habitants menée tout au long du projet, leur offrant ainsi la possibilité de décider de l’emplacement de leurs logements, de la taille et de l’agencement de différentes pièces, de la destination des espaces communs… En résulte, «un processus éprouvant pour l’architecte, qui estime qu’il a peut-être été poussé trop loin – le principe du respect du désir de chacun a notamment conduit à superposer des appartements de tailles différentes, une configuration incompatible avec la structure bois initialement prévue, laquelle a dû être abandonnée –, mais non moins passionnant.»

Interrogée par La Gazette, la présidente du Conseil national de l’Ordre des architectes Christine Leconte estime pour sa part que poursuivre les efforts en ce sens «peut aussi être une façon d’améliorer la qualité des logements». À l'heure actuelle, cette dernière regrette que «dans les études de conception confiées aux architectes, on ne donne pas suffisamment de marges de manœuvre pour produire de la qualité et on ne favorise pas assez la concertation en amont avec les habitants et les élus».

Cet article est publié à l'occasion des Journées Nationales de l'Architecture qui se tiendront les 15, 16 et 17 octobre 2021 et dont le magazine web tema.archi est partenaire média.

Marie Crabié
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