Rechercher un article
Recevoir notre newsletter
L'email entré semble incorrect
Un e-mail de confirmation vient de vous être envoyé
[Retour à tema.archi]
#JNArchiSur les places, dans les parcs et sur les quais, la vie a repris son cours, après près deux ans de restrictions sanitaires. Mais comment l'architecture accompagne-t-elle la fabrique de ces espaces pour favoriser le partage et l'échange ? À l'occasion des Journées nationales de l'architecture 2021, qui valorisent cette année «vivre-ensemble», nous interrogeons sa place dans l'urbanisme d'aujourd'hui.
People chill in the sun, in the heart of Edinburgh © Ross Sneddon
People chill in the sun, in the heart of Edinburgh © Ross Sneddon
Lancer le diaporama en plein écran

Éphémères et estivales, les terrasses aménagées depuis la crise sanitaire deviendront-elles finalement pérennes ? De Paris à Marseille, la question fait débat au sein des municipalités. Quand certains qualifient le dispositif de «réel succès», d’autres le critiquent pour les nuisances qu’il engendre autant que pour la nouvelle esthétique qu’il confère à la ville, «entre dépotoir et fête foraine de ZAD», rapportait le quotidien Le Monde en septembre dernier.

«Le trottoir et les places de stationnement constituent un lieu physiquement limité qui fait l’objet d’une concurrence accrue», commentait à cette occasion la consultante en économie urbaine Isabelle Bauraud-Serfaty. «L’espace public se méditerranéise», justifie la spécialiste alors que les citadins, dont les appartements tendent à rétrécir, conçoivent de plus en plus «la rue comme un prolongement de leur domicile».

Se rencontrer autour de moments festifs

Pour Anne Le Bellégo, directrice de la Maison de l’architecture de Normandie - Le Forum, ces nouvelles pratiques coïncident avec une période où «les gens ont besoin de se rencontrer et de retrouver des moments festifs».

Chantier MABON imaginé par TERR'O - Park(ing) Day 2020 © MaN – le Forum

Un objectif précisément poursuivi par le PARK(ing) Day dont la 11e édition se tenait le 18 septembre dernier dans pas moins de 180 villes dans le monde. À cette occasion, des centaines de places de parking étaient ainsi transformées en espace d’«initiatives engagées, originales et créatives» partout en France, excepté à Rouen où la météo normande en décidait autrement. «L’installation éphémère qui doit être présentée dans le cadre de l’événement craint l’eau, explique Anne Le Bellégo, donc on a préféré le reporter et le remodeler pour l’occasion

Reporté lors des Journées Nationales de l’Architecture qui auront lieu les 15, 16 et 17 octobre partout en France, l’événement devrait ainsi se tenir sur les places de parking devant les locaux de la Maison de l’architecture de Normandie à Rouen. «La première étape du projet va consister à installer un socle horizontal car les places de parking ne sont pas règlementaires, précise la directrice, un pré-requis pour pouvoir ensuite monter l’arche en carton avec les bénévoles et les passants.»

Réfléchir à notre cadre de vie

Cette arche, intitulée la Tonc’Arche, est l’œuvre de l’imagination du Collectif Shadauk, lauréat de l'appel à candidature du Forum lancé pour PARK(ing) Day. Cette super-structure éphémère majoritairement composée de cartons de déménagement réemployés est aussi le fruit d’une construction participative qui invite chacun à mettre «la main à la patte».

Non seulement ludique et impressionnante — l’Arche pourrait atteindre 10 mètres de hauteur —, le projet porte aussi un message de sensibilisation en son centre autour des nuisances qu’occasionne la voiture. «L'objectif du projet est double : à la fois, il s’agit d’attirer le passant et lui permettre d’investir les espaces du quotidien à travers un moment festif et à la fois de provoquer la réflexion sur notre rapport à la ville avec un public différent de celui que l’on peut toucher d’habitude», avance Anne Le Bellégo.

Redonner du sens aux espaces ordinaires

Amener ces réflexions architecturales dans la rue au plus près des citadins, la Maison de l’architecture de Normandie - Le Forum y travaille à travers divers projets menés un peu partout dans la région. En témoigne GENiUS 2021 : ça roule ! au Havre, un projet d’installation éphémère qui fête sa 4e édition cette année et dont le collectif Les gens des lieux a pris la suite de la coordination.

Son objectif : investir des lieux très différents dans la ville, du cœur d’îlot au quartier du port en passant par le centre-ville reconstruit par l’architecte Auguste Perret à partir de modules temporaires qui occupent un espace partagé le temps de quelques mois. 

«À travers ce type de projets, on essaye aussi de mettre de la poésie dans les lieux que l’on traverse chaque jour sans y faire attention», lance la directrice, toujours avec cette interrogation en tête : «Comment on redonne du sens à des espaces ordinaires et on créé du lien social avec les gens ?»

Impliquer les habitants dans la fabrique des lieux

Les réponses à cette question sont, elles, multiples. Pour le collectif d’architectes Bellastock qui «oeuvre pour la valorisation des lieux et de leurs ressources en proposant des alternatives à l’acte de construire», les palissades de chantier peuvent, par exemple, en être une. «Les palissades sont un bon outils de médiation autour du chantier, pour l’ouvrir aux habitants et leur expliquer ce qu’il s’y passe», détaille Zoé Bourret, chargée de mission sensibilisation et formation.

Made in Vitrolles © Alexis Leclercq

Une volonté de sensibilisation à l’architecture qui se traduit dans l’ensemble des projets menés par le collectif à travers une véritable implication des habitants du territoire concerné, une évidence pour la jeune femme :

«Lorsque l’on travaille sur un territoire, ce qui nous semble évident c’est d’impliquer les gens qui sont concernés par ce que l’on construit. Ça change tout sur l’utilisation que l’on fait des lieux, leur pérennité et leur évolution.»

Le directeur et créateur de la structure Antoine Aubinais abonde en ce sens avec en tête l’intervention Made in Vitrolles mené par le collectif en 2013 dans le cadre de Marseille Capitale Européenne. «On a dû passer un mois avant de produire quoi que ce soit, se souvient Antoine Aubinais, les populations rencontrées sur place se sentaient oubliées, non écoutées. Il a fallut leur montrer qu’on pouvait les aider à créer des espaces de convivialité dont ils bénéficieraient. Travailler dans un quartier actif, ça délie les langues», souligne-t-il.

La ville sur-mesure

Mettre du sens dans la façon dont le projet est monté, de la conception à la réalisation en s’interrogeant sur la forme que ce dernier doit prendre, les personnes qui doivent être impliquées et la manière de répondre aux besoins identifiés sur le territoire, ce sont autant d’étapes de réflexion que mène le collectif, l’amenant ainsi à conclure à un projet réalisé «presque sur-mesure».

«Certes, on a des protocoles à suivre, mais le diagnostic territorial que nous menons nous permet de faire du lien avec le territoire et les habitants et de travailler collectivement à la réalisation d’un projet.»

Au-delà de l’architecture, il y a précisément au cours de ce type de projet une attention toute particulière portée au vivre-ensemble à travers l’organisation de temps festifs, la création d’espaces et d’outils de partage, le réemploi de matériaux ou encore la formation d’habitants pour la bonne tenue du chantier.

Ouvrir le dialogue

Si ces installations sont transitoires, elles peuvent pourtant donner lieu à une démarche durable, comme observé dans le cadre de l’installation transitoire La Fabrique du Clos menée au Clos Saint-Lazare à Stains. À l’occasion d’une mesure de renouvellement urbain qui implique la démolition de tours d’habitation, Bellastock accompagne alors un groupe d’habitant dans la constitution d’un espace partagé qui se constituera plus tard en association.

«Sur ce chantier, on a favorisé le vivre-ensemble mais il a continué après que l’on soit parti», rapporte Antoine Aubinais. Et pour cause, cette opération aboutit quatre ans plus tard à la création d’un lieu avec des structures qui s’y sont adossées et se sont désormais formées dans une démarche durable.

Pour Anne Le Bellégo, ces projets d’installations temporaires visent à «suggérer des idées à la collectivités», à «proposer des perspectives différentes en travaillant avec les habitants» à la construction de la ville. «En général, on voit les réactions une fois qu’on enlève les installations, commente-t-elle, mais si on souhaite aller plus loin, c’est une autre démarche et ça passe dans les mains de la collectivité.»

«La sensibilisation à l’architecture ne doit pas être uniquement portée par les architectes, défend enfin Antoine Aubinais, il faut véritablement ouvrir le dialogue dans les collèges et les lycées, dans les villes et le milieu rural, pour traiter ces questions collectivement.»

Cet article est publié à l'occasion des Journées nationales de l'architecture qui se tiendront les 15, 16 et 17 octobre 2021 et dont le magazine web tema.archi est partenaire média.

Marie Crabié
En lien