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MagazineÉté caniculaire et automne anormalement doux, tornades, inondations et orages à répétition : alors que la COP27 se tient en ce moment en Égypte et que les catastrophes naturelles se multiplient, la question de l'adaptation de l'architecture à de tels événements climatiques se pose et remet en cause les modes de construction actuels.
© Filippo Bacci
© Filippo Bacci
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Le 25 octobre dernier, en fin de journée, une «mini-tornade» et des vents violents frappent plusieurs villages de la Somme, dans les Hauts-de-France. Le lendemain, les vues aériennes de la région révèlent des dégradations matérielles massives : les toits sont emportés, plusieurs maisons coupées en deux et les routes bloquées par des poteaux électriques tombés sur la chaussée.

Sur place, les équipes de la Fondation des Architectes de l'urgence appelées en renfort constatent les dégâts au micro de TF1. Ces experts, régulièrement confrontés aux dégradations provoquées par des catastrophes de grande ampleur, s’étonnent de telles circonstances climatiques «dans une région qui ne souffre habituellement pas de cyclones.»

Des phénomènes climatiques à répétition

À en croire plusieurs rapports scientifiques, de nombreux départements français comme la Somme risquent pourtant de faire face à une multiplication d’événements climatiques extrêmes. Selon l’indice mondial des risques climatiques 2021 calculé par Germanwatch, qui indique le niveau d’exposition et de vulnérabilité de chaque état aux phénomènes extrêmes, la France serait le 27ème pays le plus touché par les évènements météorologiques extrêmes entre 2000 et 2019.

En août dernier, le 6e rapport du Giec établissait le lien entre les activités humaines et l’intensification de ces phénomènes climatiques, révélant ainsi «de funestes perspectives», estime encore La Croix. «Ces événements devraient se reproduire plus souvent et avec plus d’intensité à mesure que nous nous approchons d’un réchauffement climatique à + 1,5 °C – prévu quel que soit le scénario, même les plus optimistes, d’ici à 2040

Incertitude climatique : que peut l’architecture ?

Que peut donc l’architecte dans un tel contexte ? En région Provence-Alpes-Côte-d’Azur (Paca), 60 architectes ont récemment reçus une formation dans l’objectif de mieux anticiper et gérer les situations de crise climatique en fonction des risques naturels liés au territoire. Un programme gratuit qui «résulte de la prise de conscience de l’urgence climatique par Arnaud Réaux, vice-président du Conseil régional de l'Ordre des architectes Paca et architecte installé à Nice», précise Le Moniteur, au lendemain de la violente tempête Alex qui ravage, en octobre 2020, les trois vallées de la Roya, de la Tinée et de La Vésubie dans l’arrière-pays de Nice et de Menton.

«De cette expérience est née l’envie de disposer d’un contingent d’architectes formés et rapidement mobilisables, explique l’architecte en clôture de session. D’autant qu’en région Paca, deux communes sur trois sont touchées par un risque naturel : sismique, lié aux inondations, à la submersion marine…Vu cette vulnérabilité et le changement climatique, il faut être prêt.»

L’initiative est menée en collaboration avec la Fondation des Architectes de l'urgence, qui «vient en aide aux populations sinistrées, en cas de catastrophe naturelle» aux quatre coins du monde et depuis près de 20 ans, explicite l’un de ses co-fondateurs Patrick Coulombel auprès de France3 Régions. Depuis, ce dernier envisage la création de nouvelles antennes régionales soumises à différentes typologies de risques naturels, plaidant ainsi pour une spécialisation des architectes aux maux des territoires : «Il faut former des professionnels à une typologie de risques particuliers, des gens qui soient prêts à intervenir.»

Reconnecter l'architecture à son environnement

En France, le secteur de la construction est particulièrement exposé aux risques climatiques, comme le souligne le Conseil national de l'Ordre des Architectes en 2021 alors qu'il s'apprête à lancer plusieurs outils d'accompagnement des acteurs du secteur dans un processus d'adaptation de leurs pratiques. À l'instar de la plateforme BAT-ADAPT, conçue en collaboration avec l’Observatoire de l'Immobilier Durable (OID), et dont le but est de proposer des diagnostics gratuits de vulnérabilité des bâtiments face aux aléas climatiques présents et futurs.

En parallèle, plusieurs actions concrètes sur la mise en œuvre de mesures d’adaptation au changement climatique sont recensées dans un guide technique accessible en ligne, parmi lesquelles comptent «plusieurs formes de réappropriation de savoir-faire anciens ou de méthodes de conception bioclimatiques», précise l'OID auprès de Batiweb. «Pour limiter le phénomène du changement climatique, en plus de diminuer la vulnérabilité des bâtiments face aux aléas, il est indispensable d’initier une démarche d’adaptation du cadre bâti ; à privilégier par rapport à une stratégie d’atténuation», justifie encore l'Ordre.

Et pour cause, le mode de conception de la ville participe aux bouleversements climatiques constatés ces dernières années. Dans une tribune parue dans le quotidien Le Monde à l'hiver 2021, l'architecte urbaniste Albert Lévy rappelle la responsabilité des acteurs de la construction et les conséquences néfastes de l'urbanisation pour l'environnement :

«Par sa forme, son organisation, son fonctionnement, la ville actuelle, qui consomme, pour ses besoins, plus de 75 % des énergies fossiles, est la principale source d’émission de gaz à effet de serre (GES) (80 %), impactant le climat.»

L'auteur invite ainsi à un big bang urbanistique qui combinerait deux politiques : l'une, d'atténuation progressive des effets du réchauffement climatique au niveau international, instituée à l'occasion des Sommets de la terre, Conférences des Parties et autres événements mondiaux tandis que l'autre consisterait à adapter l'architecture et l'urbanisme, au niveau local, «selon les situations urbaines particulières» pour «préparer la ville postcarbone de demain».

Et si l'urgence climatique constituait l'opportunité de revenir à nos fondamentaux, interroge AMC à l'hiver 2022 à l'occasion d'un dossier sur l'architecture dite élémentaire. Dans les années 1970, cette approche interroge «les théories architecturales classiques et modernes en faisant appel à la tradition, en local, et aux matériaux dits «naturels», étrangers aux systèmes industriels».

Pour le journaliste Jean-François Caille à l'origine du dossier, l'architecture bioclimatique «recèle quelques précieux enseignements, souvent dans son rapport à l'architecture vernaculaire, selon trois axes principaux qu'il énumère ainsi : D'abord, la prise en compte du contexte et de la géographie, le terrain, le climat, les cultures locales du bâti. Ensuite, l'utilisation de matériaux bio et géosourcés, correspondant aux ressources locales, avec leurs qualités intrinsèques, leur légèreté ou leur inertie, leur capacité d'isolation et leur potentiel de stockage du carbone. Enfin, la nécessité de faire appel à des savoir-faire spécifiques très qualifiés, à une connaissance aiguë des matériaux et de leur mise en œuvre.»

Marie Crabié