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ConfinementQue l'on soit en ville ou en campagne, seul, en couple ou en famille, le confinement se vit à travers les témoignages de chacun rapportés dans la presse. À situation inédite, format inédit : voici notre revue de presse de ces dernières semaines qui s'intéresse à nos manières d'habiter nos villes, nos logements, nos architectures.
Flats © crodriguesc (CC BY-NC 2.0)
Flats © crodriguesc (CC BY-NC 2.0)
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« À priori, la pandémie et le confinement nous rendent tous égaux puisque le virus est relativement démocratique en ne choisissant pas ses cibles » écrivait le sociologue François Dubet dans une tribune parue dans Le Monde le 25 mars.

Aussi contraignante soit-elle, la période actuelle aurait quelque chose de rassembleur parce qu’au même titre que « plus de 4 milliards de personnes, soit la moitié de la population mondiale », nous sommes « appelés ou contraints de rester confinés chez [nous] pour lutter contre la propagation du coronavirus » précise le quotidien le 7 avril dans son point sur la pandémie.

Un confinement inégalitaire

Tous dans la même "galère" oui, mais force est de constater que nous ne la vivons pourtant pas de la même manière. « Logement, accès internet, revenus : les conditions de confinement sont inégalitaires » pointe la sociologue Léa Mestdagh pour RTL. « Il y a des quartiers où d'habitude les familles circulent beaucoup, parce que leur lieu de vie quotidien est approprié le soir pour dormir mais pas pour y rester toute la journée, parce que l'équipement est mauvais, parce que c'est surpeuplé ou qu'il n'y pas d'eau courante par exemple. »

Une situation particulièrement préoccupante dans des zones déjà touchée par la précarité et le manque de services hospitaliers à l’image du département de la Seine-Saint-Denis qui enregistre, depuis le début de l’épidémie, un record de décès selon les chiffres de l’Insee récemment dévoilés.

Flats © J Mark Dodds (CC BY-NC-ND 2.0)

Bien qu’ils soient à manier avec précaution puisqu’ils comptabilisent également les décès non dus au Covid-19, ils témoignent de l’impact préoccupant des inégalités sociales et sanitaires qui pèsent sur une déjà population déjà fragile. « Un cocktail explosif » selon les termes employés par le journaliste Benjamin König pour l’Humanité. Désert médical, inégalités de logement, maladies chroniques de familles entières… sont autant de facteurs qui poussent de nombreux élus, plongés dans une colère noire contre le gouvernement, à réclamer dès à présent « un plan d’urgence ».

Perversions du quotidien

« La face sombre du confinement » c’est donc celle du manque de moyens matériels — d’espace, de conditions de vie décentes, d’accès à Internet — mais aussi de moyens culturels comme l’explique le sociologue et directeur de recherche honoraire au CNRS Jean-Claude Kaufmann dans une tribune publiée dans Libération.

« Dans le monde de la France oubliée révélé par la révolte des gilets jaunes, qui a rarement les armes pour exprimer le confinement inventif qui s’épanouit dans les grandes villes et les milieux diplômés. Ne s’improvise pas prof à la maison qui veut. Les nouveaux pauvres de la modernité progressiste ne peuvent qu’accumuler une souffrance supplémentaire, le repli sur soi devenant encore plus explosif ».

Ce sont aussi les perversions du quotidien, les harcèlements et les violences passées sous silence notamment celles des femmes particulièrement exposées. « Pour les femmes victimes de violences conjugales et leurs enfants, être enfermées à domicile avec leur agresseur est dangereux. L'isolement est une des stratégies principales des conjoints violents » nous raconte Slate dans son article Le confinement, «une séquestration légale» pour les femmes victimes de violences conjugales

Une situation qui touche les pays du monde entier et à laquelle le secrétaire général de l’ONU Antonio Guterres a réagit ce lundi 6 avril en lançant « un appel mondial à protéger les femmes de l’explosion de violences conjugales et familiales ». À cette occasion, il a notamment demandé la « mise en place de "systèmes d’alerte d’urgence dans les pharmacies et les magasins d’alimentation"seules enseignes à rester ouvertes dans de nombreux pays » selon le quotidien L’obs.

Résistances et solidarité

Pour reprendre les termes du spécialiste Jean Claude-Kaufmann, quelle sera alors notre capacité de résistance, d’inventivité et de solidarité pour sortir de cette crise ? Parce qu’en ces temps incertains, le témoignage de chacun importe lisez celui éclairant de la professeure Virginie Duret paru dans Courrier International. Expatriée en Chine depuis trois ans, elle a vécu les deux mois de confinement en famille à Canton et raconte, sur une Page Facebook dédiée, son quotidien depuis le début des mesures de confinement, « les premières semaines [ayant été pour elles] les plus difficiles », et le début de la sortie de crise, quand la vie reprend son cours petit à petit.

À Montpellier, l’espoir renaît doucement à la lecture du reportage Anne-Marie, Miroslaw, Olivia et les autres : les vies confinées d’un immeuble à Montpellier publié dans M Le Monde. Le journaliste Yann Bouchez y relate les interactions, les solidarités du quotidien, la vie sur les balcons et la température de tout un immeuble prise par téléphone, distanciation sociale oblige. Une distanciation du reste du monde qui, si elle en isole certains — à l’image de Maximilien, « confiné dans un 18 m² pas lumineux », et qui admet « se sentir comme un lion en cage » certains jours —, en oblige d’autres à vivre ensemble, en coloc, en couple ou en famille de manière quelque peu forcée.

Le logement à l'épreuve du confinement

Iris est étudiante en communication et habituellement en colocation à Paris. Interrogée par le Huffington Post, elle a fait le choix de retourner vivre chez sa mère dans les Bouches-du-Rhône le temps du confinement. « Rentrer chez ma mère était un choix risqué, mais c’est toujours mieux que d’entendre ma colocataire et son copain s’amuser! » avoue-t-elle. Une situation qu’elle dit supporter « pour le moment ».

Olivia elle, n’a pas eu le loisir de rentrer chez sa famille à Bordeaux par manque de moyen. Forcée de rester dans son logement en région parisienne qu’elle partage avec 4 autres personnes, elle avoue subir la situation. « Nous ne nous connaissions pas, c’est une colocation par dépit car nous voulons tous payer moins cher notre loyer », détaille-t-elle. Comme beaucoup d’autres collocations, la situation se détériore progressivement depuis le début du confinement, mettant au jour tous les défauts des uns et des autres dans un petit espace à réinventer.

DSCF5535 COne-3@0,5x © Jean Pierre CHAZEL (CC BY 2.0)

Un sujet notamment questionné par la journaliste Isabelle Regnier dans son article Coronavirus : habitat et logement à l’épreuve de la vie confinée, qui explique : « Que l’on ait quitté la ville pour la campagne ou que l’on n’ait pas bougé, le confinement redéfinit notre rapport à l’habitat. Le seul fait de se trouver assigné à résidence conduit à percevoir de manière plus aiguë les qualités et les faiblesses de nos lieux de vie. »

Le sociologue Guy Tapie revient également sur ce point dans notre article paru sur tema.archi. « Sans toutes les activités d’animation autour du logement, la définition de confort change » avance le spécialiste. « C’est tout à fait nouveau dans nos sociétés très confortables, de voir réapparaître une question sanitaire de la sorte qui nous oblige entre autres à repenser le dogme bien pensant de la densité des villes pour répondre aux enjeux environnementaux, qui aujourd’hui devient synonyme de contagion ».

Et après, nos villes remodelées ?

Et pour cause, dès l'intervention du Président de la république sur nos écrans le 16 mars annonçant les premières mesures de confinement, de nombreux citadins ont préféré se réfugier à la campagne. Ce réflexe n’est pas surprenant pour de nombreux historiens cependant, dont le médiéviste François-Olivier Touati qui commentait en substance, « le premier réflexe pour ceux qui le peuvent, en cas d’épidémie, c’est de s’en aller dans la campagne environnante, à la recherche d’air frais et de moyens de subsistance ».

Fuir pour mieux revenir, c'est l'objectif poursuivi par ces populations alors que dans leur départ se dessine déjà les contours d'un après, différent. « Après l’épidémie, les populations reviennent et rebâtissent. Les villes les plus importantes ont survécu aux épidémies – pestes, choléra, fièvre jaune, etc. –, qui ont hanté leur imaginaire et contribué à façonner leurs contours. »

SIENNE © charron.serge (CC BY-NC-ND 2.0)

Le coronavirus laissera-t-il ainsi sa trace sur nos villes ? C’est en tout cas ce qu’espère l’écrivaine Arièle Butaux qui, de sa plume, a exprimé ses voeux pour le Huffington Post notamment au regard du drôle de sentiment qui la gagne en tant qu'habitante de Venise, vidée de ses touristes. Une ville où « la nature a repris le dessus. L’eau des canaux est redevenue claire et poissonneuse. Des milliers d’oiseaux se sont installés en ville et le ciel, limpide, n’est plus éraflé par le passage des avions. »

Une ville que les Vénitiens retrouvent enfin, débarrassés de ses touristes dont ils ont tant rêvé avant de les regretter, faisant de leur paradis un enfer. Et l’écrivaine d’espérer que la sortie de confinement apportera un nouveau regard sur nos villes et nos existences, et que « nous serons nombreux sur cette Terre à refuser de réduire nos existences à des fuites en avant » pour enfin réfléchir à ce qui nous rend vraiment heureux.

Marie Crabié
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