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Matières à réfléchirPropice au développement de projets personnels, le confinement a été pour nombre d'étudiants en architecture, l'occasion de déployer leur créativité sous toutes ses formes. Découvrez les initiatives artistiques qui ont attiré notre attention ces derniers mois.
Capture d'écran "Chronique du Romantisme Post-Industriel" via Youtube © Faïne Raisson
Capture d'écran "Chronique du Romantisme Post-Industriel" via Youtube © Faïne Raisson
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«J'avais commencé à développer des idées de poèmes l'année dernière lors d'un workshop», raconte Aude Letzelter, alors qu'elle parcourt les couloirs du métro parisien en cette fin de journée estivale. Étudiante à l’École Spéciale d’Architecture à Paris, elle revient sur le projet personnel qu'elle démarrait pendant le confinement : la rédaction de "chicagos".

«Ce type de poème inventé est constitué de quatre lignes de quatre homosyntaxismes qui forment une devinette et dont la solution tantôt explicitée, tantôt occultée est une homophonie», détaille la jeune femme.

Chicagos d'architectes © Aude Letzelter

Dans les faits, elle nous précise que ces poèmes s'apparentent à des charades et que pour la rédaction des siennes, elle a choisit la thématique de célèbres noms d'architectes. «Si j'avais déjà cette idée en tête, je n'avais jamais pris le temps de me poser et de vraiment écrire, affirme Aude, c'est finalement le confinement qui m'a permis de le faire.»

Une dose d'autre chose sur les réseaux

Comme elle, de nombreux étudiants en architecture ont profité de cette période, bien que loin d'être "à vide", pour concrétiser des projets personnels parfois laissés en suspens ou pour se lancer un défi. À l'instar de l’initiative portée par Jacob Durand et Jules Bergé tout au long du mois de mars 2020. Déjà bien habitué de ce type de projets, Jacob raconte :

«Chaque année depuis 2017, ça recommence. Pendant le mois de mai, je réalise un GIF par jour que je poste sur Instagram. En 2019, mon ami Jules Bergé, qui fait de la photo en parallèle de ses études d'archi, a décidé de me suivre en postant un portrait de rue par jour. En 2020, tous les deux en dernière année dans les études, on ne voulait pas consacrer notre mois de mai à un tel défi très chronophage, par peur de compromettre le PFE. Donc on a décalé en mars, et rapidement, plusieurs de nos amis ont annoncé se joindre à nous pour une création par jour !»

Le projet devient alors le #marsattaque2020, et se déroule du 1er au 31 mars sans interruption malgré le début du confinement annoncé dès le 16 mars. «Ça nous a bien aidé à tenir les premières semaines, et on a eu plein de retour très positifs, parce que ça apportait une dose d'autre chose sur les réseaux sociaux à un moment où on ne savait pas trop ce qui nous arrivait», affirme Jacob.

Un véritable boost à la créativité

Pendant le confinement, les liens avec l'extérieur et des personnes inconnues s'espacent et se font plus rares au fil des semaines. «Il y avait beaucoup moins de personnes dans les rues, et même ceux que l'on croisait étaient plus distantes et craintives», se souvient Jules qui, de son côté, a tenu le pari de poster un portrait d’habitant par jour pendant un mois.

«Je ne pense pas que j’aurais pu mener à bien mon projet de photo si nous avions passé tout le mois de mars en confinement, confie-t-il, c’était difficile d’approcher les gens pendant quelques semaines. Ça fout un petit coup au moral parce que la proximité imposée par le portrait était précisément interdite. Alors je prenais plusieurs photos par jour, parfois 5 ou 6 personnes d'un coup, et certains jours rien.»

Sixtine D. aussi, participe au projet, par le dessin au Carré Conté. «J'ai longtemps hésité pour le temps que ça me prendrait et la motivation nécessaire pour tenir le mois», relate-t-elle. Ce défi, elle le décrit comme «haletant», un «véritable boost à la créativité» et une manière de s'organiser pour que chaque jour soit l'occasion d'une belle production.

Habituée à dessiner à partir de modèles, elle avoue avoir manqué d'inspiration certains jours du confinement bien que celui-ci lui ait aussi permis de dessiner quand elle en ressentait l'envie. «Je pense que j'ai développé un certain imaginaire à travers mes dessins pendant cette période, notamment par l'expression des personnages réalisés», détaille-t-elle.

Aujourd'hui avec du recul, elle estime que ce type de projet «vaut vraiment la peine et ça permet d'en apprendre sur nous-même». Même constat pour Jules, qui a pris beaucoup de plaisir à mener un tel projet pour la seconde fois : «Certaines personnes m’ont énormément touché, que ce soit physiquement ou par leur histoire, il y a une réalité très crue qui se dégage de nos échanges. Ça m’a donné terriblement envie de faire un tour de France.»

Questionner le réel par l'imaginaire

Pour les étudiants de l'architecte et maître de conférence Guillaume Ramillien à l’ENSA Versailles, l'intuition du dessin s’impose elle aussi pour «faire face» à la situation de confinement. L'architecte revient sur cette expérience :

« Nos corps reclus, il s’agissait par le regard et la main d’autoriser nos esprits à poursuivre leur quête de sens. De re-découvrir nos espaces domestiques et à travers eux, peut-être, nous-mêmes. De démasquer et démentir ce que l’on croyait savoir et connaître. De nous échapper aussi, dans un voyage immobile.»

Les dessins d'abord postés sur Instagram font désormais l'objet d'une exposition à la Galerie d'Architecture à Paris.

Les questionnements du réel de l'étudiant à Paris-Malaquais Faïne Raisson enfin, se matérialisent, de leur côté, dans une mise en scène fictionnelle qu'il présente dans son documentaire Wherther - Chronique du Romantisme Post-Industriel. Posté début mai sur Youtube, il relate 6 mois de vie d'un jeune architecte « plein de rêves, mais qui n'a d'autre choix que d'encaisser face-à la violence de systèmes oppressants. »

Comment accepter que la méritocratie ne soit qu'un fantasme, que travail ne rime pas avec sens ? Néanmoins, cette réalité est-elle si sombre...ou est-ce les nuits blanches et la solitude qui ternissent sa vision ? L'étudiant précise toutefois que le film ne vise pas à décrire une réalité qui serait trop complexe à développer, mais livre un récit volontairement partial pour alimenter le débat.

Toutes les contributions mentionnées dans cet article sont accessibles librement en ligne, via Youtube et Instagram.

Marie Crabié