«Belle par essence», c'est de cette manière que le co-fondateur de l'agence LAN Umberto Napolitano définit l'architecture. Pensée pour répondre aux besoins du présent et aux questions de demain selon lui, elle doit ainsi pouvoir accompagner les changements socio-culturels qui animent les villes, par l'innovation et la prise de risque des architectes d'autant plus importante aujourd'hui. Précisions.
tema.archi : Comment définiriez-vous la notion de geste architectural ?
Umberto Napolitano : Je sais ce qu'est l’architecture mais je ne sais pas s’il existe un geste. Il existe des espaces qui sont cohérents, construits en intelligence et qui sont dédiés à la collectivité. Une architecture est par essence belle. Elle est belle parce qu’elle contient une forme de vérité, de cohérence qui la rend belle. Pour moi, il faut dissocier l’architecture de la construction.
Quelle distinction faites-vous entre les deux ?
L’architecture est une oeuvre qui comprend toutes les valeurs de beauté, d’écologie et de durabilité alors que la construction correspond à la technique à travers laquelle nous bâtissons des oeuvres artefacts. L’architecture est une matière, un projet d’architecture devance le questionnement et répond à des questions qui se posent non seulement aujourd'hui mais aussi demain. C’est tout l’intérêt de ce métier qui devient une passion.
On génère un projet parce qu’on a besoin d’habiter, on a besoin de lieux pour la culture. On construit donc pour un besoin à un instant T mais l'architecte travaille aussi à devancer les besoins de demain, qui nécessiteront des ajustements des espaces. L’architecture doit accompagner les changements socio-culturels, climatiques, et identitaires d’une ville. Si l’architecte ne sait pas répondre à ces questionnements, alors il s’agit plutôt de construction.
Comment est-ce qu’on repense notre approche de l’architecture pour faire face aux défis climatiques, sanitaires et sociaux actuels ?
Je pense qu'une partie du monde a besoin d’être innovée. Nous devons re-questionner l’architecture au vue d'enjeux environnementaux, notamment mais aussi notre façon de «dealer avec l’espace» qui est relativement rétrograde et issue de la modernité, de la période d’après-guerre.
Théâtre du Maillon à Strasbourg - Arch. LAN © Charly Broyez, via agence LAN
Jusqu’à maintenant, on a adopté une vision par l’usage mais on s’est aperçus depuis quelques années, que ce lien direct entre fonction et espace est faussé. On a donc désormais besoin d’innover et de penser l’espace en fonction de nouvelles prises de conscience récentes. L’innovation en soit nécessite de passer par des tentatives. En tant qu’architecte, il nous faut aussi être disposé à nous tromper, il faut accepter que l’innovation passe par des prises de risque. Les projets sont, chacun à leur manière, des occasions d’innover. Pour autant, les risques pris dans la société aujourd'hui sont encore très contenus, je pense que nous ne sommes pas vraiment prêts à en prendre.
Pensez-vous que l'architecture doit aller vers plus de sobriété, cette idée de frugalité souvent évoquée ces derniers temps ?
La «frugalité architecturale» est là depuis toujours, le fait de construire des bâtiment avec le moins de matière et d’effort possible c’est quelque chose que l’architecture a dans son ADN. Pour moi, il faut penser la question du bâtiment frugal dans son rapport au temps, autrement il n’a pas de sens.
Et puis, il faut aussi avoir un fond d’honnêteté en tant qu’architecte pour admettre qu’on est face à des incertitudes permanentes, et c’est dans ce doute que l’on va trouve le salut. L’architecture doit répondre à une addition de ces doutes.
* Cet entretien a été réalisé et publié initialement à l'occasion de la 5e édition des Journées Nationales de l'Architecture qui, en 2020, mettait à l'honneur l'architecture du quotidien.