Avec une certaine émotion pour des lieux « à l’identité particulière et beaucoup arpentés », la directrice générale de Paris La Défense Marie-Célie Guillaume annonçait en visioconférence le mercredi 6 mai 2020, le projet lauréat du dialogue compétitif sur l’aménagement des espaces sous dalle de Paris La Défense.
Pour la première phase du projet pilote, la jeune agence belge Baukunst, aux côtés d'AWP, attitudes urbaines et les bureaux d’études Greisch et Setec a ainsi su convaincre le jury par une approche évolutive et durable du projet qui vise à requalifier et optimiser l’existant.
« Le projet que nous avons retenu répond à nos enjeux de donner vie à ces volumes et d’y développer une offre alternative à ce que l’on trouve déjà sur la dalle, à en faire de véritables lieux de vie », appuie la directrice. Offre culturelle, sport et loisirs, Paris La Défense pourrait bien devenir à terme une destination ludique et originale où l’on travaille, réside et sort y compris le week-end, sur et sous la dalle. Mais de nombreux défis restent encore à relever.
La sous face, cet espace au potentiel inexploité
Construit selon les principes de la chartes d’Athènes, le quartier d’affaire de Paris La Défense est édifié à partir de 1958 sur une dalle qui sépare le monde du dessus — où se trouvent tours de bureaux, œuvres d’art et espaces publics de plein air — de celui du dessous réservé aux infrastructures routières, réseaux de transports, fonctions techniques et autres organes indispensables à l’organisation du quartier.
Intention d'aménagement des volumes © Baukunst
Véritable ressource foncière qui permettrait de « construire pour occuper l'espace urbain, tout en préservant l'espace public » selon l'architecte Dominique Perrault connu pour son concept de Groundscape et ses nombreuses recherches sur le sous-sol, ce monde du dessous constitue aujourd’hui un enjeu urbanistique de taille alors que la ville se fait de plus en plus dense.
Un projet d'envergure
Mais comment habiter ces espaces en sous face ? Quelle place pour la végétation et la lumière naturelle et comment ventiler de tels lieux ? Autant de questions qui demeurent actuellement à l’étude dans le cadre du projet d’aménagement des 20 000 m² de volumes résiduels de Paris La Défense, de par l’envergure du projet et les propriétés inédites du site.
« Il a fallu soixante ans et le transfert de l’aménagement aux collectivités locales, pour que l’on prenne conscience du potentiel de ces immenses volumes en plein cœur du quartier », souligne Marie-Célie Guillaume. S’inscrivant dans une politique globale de transformation des espaces publics, les premières réflexions autour de ces espaces méconnus sont entreprises par Patrick Devedjian dès son arrivée à la tête du conseil d’administration de Paris La Défense, en 2018.
Intention d'aménagement des volumes © Baukunst
S'en suit un long travail de découverte et d’apprentissage sur la qualité des espaces à l’issue duquel est organisé le dialogue compétitif remporté par Baukunst. « Le site étant complexe et hybride, il nous paraissait important de mettre en place une méthodologie originale adaptée à l’envergure du projet », explique le directeur du développement de Paris La Défense, Nicolas Andreatta. Il poursuit :
« L’objectif était d’instaurer un véritable dialogue entre programme et projet. »
Une première phase amorcée
À travers la mise en place du dialogue compétitif permettant le suivi des projets des 5 agences internationales sélectionnées — Kaan Architecten, Lacaton & Vassal, Tezuka Architects, Emilio Tunon —, la première phase de la stratégie de reconquête du sous dalle de Paris La Défense a ainsi permis de donner une orientation au projet de transformation globale des espaces publics du quartier d'affaire.
La mission consiste d'ici début 2022, à viabiliser les espaces pour les rendre accessibles et utilisables. « Les interventions liées aux usages et à la programmation seront progressives et limitées dans un premier temps à deux des quatre volumes identifiés que sont l’Atelier Moretti et une partie de la Cathédrale », indique Marie-Célie Guillaume.
Localisation des volumes centraux © Paris La Défense
Un défi de taille
Le défi reste toutefois de taille pour le groupement qui entend révéler la richesse du monde du dessous par la création d’une relation simple mais forte avec les différents objets déjà présents en surface. « Ce projet constitue l’occasion de reconquérir les volumes à travers les porosités existantes entre le dessus et le dessous en faisant ressortir la qualité infrastructurelle des volumes », détaille l’architecte Adrien Verschuere de Baukunst.
Intention d'aménagement des volumes © Baukunst
Élément majeur du projet en surface, une passerelle monumentale en forme d’anneau « flottant » au-dessus de la Place de la Statue sera conçue à la fois comme l’entrée principale vers les volumes sous dalle et le signal du projet. Depuis ce «belvédère en apesanteur», les piétons pourront ainsi emprunter un ascenseur, un escalier monumental ou un double escalator pour accéder à la promenade souterraine. Des ouvertures devraient par ailleurs permettre d’observer depuis le dessus, l’activité des espaces du dessous, et notamment d’offrir une vue sur Le Monstre, œuvre de l’artiste Raymond Moretti conçue et conservée dans l’atelier de son défunt créateur, sous la dalle.
À cet enjeu d’articulation des espaces en sur et sous face, s’ajoute enfin celui de valorisation et d’activation du sous-sol en créant une continuité entre les différents volumes existants et aujourd’hui compartimentés. « Nous souhaitons créer un parcours qui servira d’armature pour le devenir du projet, avance l'architecte, chacun des volumes résiduels peut constituer un véritable espace de vie où l’on pourra à terme, penser de nouvelles formes d’habiter.»
Vue axonométrique © Baukunst