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#JNArchiÀ l'occasion des Journées nationales de l'architecture 2022 qui mettent le logement à l'honneur, la rédaction de tema.archi s'est interrogée sur le pavillon, ce type d'habitat si souvent décrié et pourtant devenu l'idéal des français au fil des décennies. Mais a-t-on vraiment tous besoin d'une maison avec jardin ?
Rue résidentielle avec petites maisons jumelées © peterspiro
Rue résidentielle avec petites maisons jumelées © peterspiro
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Octobre 2021. Emmanuelle Wargon, ministre alors chargée du Logement, sonne le glas du pavillon. À l'occasion de la clôture de la démarche participative Habiter la France de demain lancée par le gouvernement quelques mois plus tôt pour «imaginer la manière d'habiter mieux la France dans ses territoires demain», la ministre s'attaque à l'idéal de vie des français, la «maison avec jardin», provoquant ainsi un tollé général relayé dans les médias.

Dans son discours, Emmanuelle Wargon remet en cause le «modèle d’urbanisation pavillonnaire» et insiste pour proposer un nouvel idéal : «ce rêve construit dans les années 1970, dépourvu d’espaces publics et qui dépend de la voiture, constitue aujourd’hui un non-sens écologique, économique et social. Il n’est pas soutenable et nous mène à une impasse.»

Le pavillon, ce mode de vie égoïste

«Je suis toujours un peu gênée par ces déclarations, réagit Sophie Rosso. Ça peut avoir tendance à augmenter la fracture entre les élites parisiennes et ceux qui vivent dans des zones péri-urbaines au quotidien.» La directrice générale adjointe du promoteur immobilier Redman, contactée par téléphone, concède toutefois qu’il n’est pas souhaitable que tout le monde fasse le choix de la maison individuelle : «c’est synonyme, pour beaucoup d’égoïsme, d’inconscience écologique et de France moche», reconnaît-t-elle.

C'est pourtant le choix qu'elle a fait il y a près d'un an et demi et qu'elle raconte, à travers quatre chroniques publiées tout l’été sur le site de l'agence en innovation urbaine Ville Hybride. Son but ? Aborder ce mode de vie de l’intérieur pour alimenter les discussions autour d’un sujet que les professionnels semblent avoir délaissé depuis plusieurs décennies. «Il y a du boulot, et la créativité manque cruellement quand on parle d’habitat individuel», assure l'intéressée.

Plusieurs articles longs parus sur le sujet ces dernières années déplorent le manque d'intérêt exprimé pour le pavillon à l’instar du dossier de Louise Garcia & Bénédicte Vacquerel publié sur metropolitiques.eu en 2013 ou, plus récemment, les recherches du spécialiste en études urbaines Éric Charmes parues dans La vie des idées en juin dernier. Pourtant, 87% des français plébiscitent «la maison individuelle, isolée, entourée de son jardin» selon une enquête réalisée en 2007 par l’institut TNS Sofres et relayée dans un article publié par le sociologue Jean-Marc Stébé dans la revue Constructif en 2020.

Selon Christine Leconte, présidente du Conseil national de l’Ordre des architectes, régulièrement interrogée à ce sujet, l’intérêt doit moins se porter sur les formes de l’habitat pour se concentrer davantage sur les aspirations des habitants. «On aborde toujours la question de l’habitat par les modèles, en opposant le modèle pavillonnaire au modèle de logements collectifs, regrette-t-elle. Pourtant, personne n’habite de la même manière et on en oublie la forme architecturale, bien au-delà des modèles : on peut imaginer de nouvelles formes architecturales qui vont bien plus loin que le champ des possibles restreint qui existe aujourd'hui. »

Ce que l’on recherche, ce qui nous manque

Il y a bien des points communs à nos modes de vie et critères qui régissent le choix d’un logement à commencer par l’accès à la lumière, le calme, le confort mais aussi un rapport renouvelé à la nature, aux commerces et aux activités. Pour autant, ces critères sont-ils forcément remplis dans une maison individuelle ?

Assurément non, selon Sophie Rosso, qui estime que les réponses aux problématiques du logement sont à trouver à diverses échelles, celle du bâtiment, du quartier, de la ville et du territoire lui-même :

«Aujourd'hui, on fait le constat qu'il y a moins de désirabilité pour le collectif, mais peut-être que l'on peut inventer des formes d'habitat semi-collectif qui apportent les avantages de l'individuel tout en créant un modèle soutenable.»

Imaginer des solutions pour faire évoluer un urbanisme très individuel, où chaque famille bénéficie d'une parcelle, dépend de la voiture pour aller au travail et au supermarché, vers un urbanisme du partage, c'est là tout l'enjeu du développement de nouveaux modes d'habitat durables, considère Christine Leconte. «Qu'est-ce que l'on veut bien partager ? C’est ça la vraie question, lance l'architecte, et dans la réponse réside déjà une forme de philosophie de ce qu’est la ville.» Parmi d'autres propositions mentionnées, ouvrir les cours des écoles le week-end, lorsqu'elles ne sont pas occupées constitue l'une des manières pour les habitants de s'approprier ces espaces publics, devenus des parcs ouverts à tous et utilisés toute l'année.

Le logement, ce bien pas comme les autres

À l'heure où la sobriété est exigée de la part de tous les français, force est de constater que la voiture n'est pas épargnée. «J'ai dû m'acheter une petite voiture car j'habite un petit village mal desservi par les transports», témoigne ainsi un habitant auprès du journal La Croix paru le 20 septembre au sujet des efforts envisagés à toutes les échelles pour limiter la consommation de biens et d'énergie.

Pour Sophie Rosso, l’habitat péri-urbain trouve précisément ses limites dans les transports. «Les comportements individuels quant à l'utilisation quotidienne de la voiture interrogent, mais aujourd'hui l'aménagement de la voirie et les infrastructures de transports ne permettent pas à la plupart des habitants périurbains d'avoir recours aux mobilités douces, glisse-t-elle. La question c’est aussi et toujours de savoir qui va payer ?»

Une limite dont est bien consciente Christine Leconte, qui déplore que le logement soit devenu un bien standardisé qui répond «à une politique du chiffre depuis 30 ans». Concevoir de nouveaux modèles d'habitat vertueux à partir de friches, de logements vacants et de quartiers désertés, étoffer un parc résidentiel non figé, inventer de nouveaux modes d'habitat collectif, développer des filières courtes et des infrastructures adaptées à ces lieux de vie sont autant de mesures concrètes proposées par l'Ordre des architectes pour tenter de répondre à une combinaison d'enjeux environnementaux, sociaux et économiques. Christine Leconte motive ces propositions :

«Rechercher de nouvelles façons de construire demande de lourds changements dans nos pratiques, pour les élus, les habitants et les architectes, mais c’est un moindre mal pour enfin passer d’une architecture non située, très standardisée à une architecture de circuit court et qui part de l’existant.»

«Ce sont des problématiques architecturales et économiques qu’il ne faut pas laisser aux promoteurs, ajoute Sophie Rosso, avec ce qu’il s’est passé cet été, plus personne ne peut dire ça va aller, mais nous devons réfléchir désormais au modèle de ville et territoires que nous voulons habiter.»

Cet article est publié à l'occasion des Journées Nationales de l'Architecture qui se tiendront les 14,15 et 16 octobre 2022 et dont le magazine web tema.archi est partenaire média.

Marie Crabié
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