Les escaliers comme symbole de déplacement sur l’échelle sociale, des édifices de béton aux allures brutalistes qui matérialisent la période d’après-guerre, une politique de la ville qui organise nos déplacements établissant une véritable géographie de la société totalitaire : l’architecture est partout dans nos films, elle symbolise et met au jour des réalités politiques, sociales, spatiales.
Thriller, fantastique, comédie ou romance, découvrez notre liste de créations cinématographiques qui mettent en scène, subliment ou interrogent l’architecture de nos logements et de nos villes.
Science-Fiction
Metropolis • Fritz Lang, 1927
Von Boris Bilinsky gestaltetes Plakat für den UFA-Film Metropolis von Fritz Lang, hier in einer französisch-sprachigen Variante © Boris Konstantinowitsch Bilinski
Réalisé par Fritz Lang puis sorti une première fois en salle en 1927, Métropolis projette le téléspectateur un siècle plus tard dans une mégapole à l'architecture fantastique où les inégalités s’avèrent criantes. Tandis que les aristocrates se prélassent et se divertissent dans de somptueuses demeures et de luxuriants jardins, la grande masse de la population travaille, dort et survit durement dans les profondeurs de la terre. Cet équilibre fragile se trouve alors bouleversé lorsqu’un savant invente une femme-robot qui doit détourner les opprimés de la révolte qui gronde. À l’origine long de 3h30, le film est désormais disponible dans une version d’1h58 depuis 2010.
Brazil • Terry Gilliam, 1985
Dystopie complètement barrée réalisée par Terry Gilliam, Brazil raconte l’histoire de Sam Lowry, un bureaucrate innocent qui, en essayant de corriger une erreur administrative, se retrouve en position d’ennemi de l’État. Habitant d’une cité-dortoir misérable au cœur d’une ville rétro-futuriste totalitaire où tuyaux et pompes géantes se mêlent les unes aux autres dans un chaos infernal, il est alors traqué par les autorités tandis qu’il s’échappe par la rêverie, dans un monde de héros romantiques. Mention spéciale pour les Espaces d’Abraxas de Noisy-le-Grand où la plupart des scènes urbaines ont été tournées, comme pour À mort l’arbitre, Mais qui a tué Pamela Rose ? ou encore Hunger Games.
Blade Runner • Ridley Scott, 1982
Blade Runner poster © Jonathas Scott (CC BY-NC-ND 2.0)
À partir de l’ouvrage de Philip K. Dick, le réalisateur Ridley Scott met en scène un monde où des milliers d’hommes et de femmes fuient les mégalopoles devenues insalubres pour conquérir l’espace. Au fur et à mesure que les colonies d’habitation se dessinent, une société en couches prend place où l’architecture devient symbole de la structure des classes et des inégalités croissantes. Si Ridley Scott s’est notamment inspiré de Los Angeles pour le film, la ville a subi des transformations importantes au premier rang desquelles la dégradation de l'environnement et des bâtiments, symboles d'un futur peu radieux. Déjà restauré en 2007 — pour une version baptisée « final cut », le film fait désormais l’objet d’une suite Blade Runner 2049 réalisée par Denis Villeneuve et sortie en 2017.
Inception • Christopher Nolan, 2010
Inception © Tom Francis (CC BY-SA 2.0)
Sorti en 2010, Inception met en scène Leonardo DiCaprio dans le rôle d’un « extracteur » autrement dit un voleur qui subtilise des informations sensibles dans un contexte d'espionnage industriel en infiltrant le subconscient de ses cibles au cours d'un « rêve partagé ». Rêve dans lequel l’architecte tient une place importante, de concepteur de fiction. La création architecturale devient dans le film, l’une des manifestations les plus élevées des pouvoirs de l’homme sur la nature et du prestige politique, religieux ou économique.
Thriller
Parasite • Bong Joon-ho, 2019
En plein cœur de Séoul, la famille Ki-Taek est au chômage. Lorsque le fils trouve finalement la possibilité de donner des cours particuliers à la jeune fille d’une riche famille de la ville, de nouvelles opportunités se présentent pour toute la famille. Sous-sol, niveau de la rue, rez-de-chaussée, premier étage : de nombreuses « couches » se superposent dans le film Parasite du coréen Bong Joon-ho, que ce soit dans la ville, ou les logements respectifs des deux familles. À cela s’ajoutent de nombreux escaliers qui, à travers l'ascension et la descente des personnages, permettent de mimer les déplacements sur l'échelle sociale. À savoir que la maison de la famille Park — construite par un architecte fictif dans le récit — a été entièrement construite pour le tournage.
The ghost writer • Roman Polanski, 2010
Adapté du roman de Robert Harris «The Ghost», ce film d’espionnage raconte l’histoire d’un prête-plume à succès, engagé pour terminer les mémoires d’un ancien Premier ministre britannique connu sous le nom d’Adam Lang. Pour ce faire, il entreprend un voyage sur l'île de Martha's Vineyard où se trouvent l’homme politique, sa femme Ruth et son assistante Amelia. Il s’installe alors dans une magnifique maison de plage parée d’un intérieur élégant signé Walter Knoll. Une maison qui reste un décor car le film n’a pas pu être tourné en Amérique en raison des ennuis judiciaires du réalisateur dans le pays.
Fenêtre sur cour • Alfred Hitchcock, 1954
Cropped screenshot from the trailer for the film Rear Window © Domaine public
Plutôt film à suspense que thriller, Fenêtre sur cour de son titre original Rear Window met en scène James Stewart dans le rôle d’un photographe qui, suite à un accident, se retrouve forcé de rester chez lui en fauteuil roulant. Sa fenêtre devient alors son ouverture sur le monde, et lui permet notamment d’observer ses voisins qu’il soupçonne de meurtre. Considéré par de nombreux critiques comme l’un des meilleurs films d’Alfred Hitchcock, Rear Window figure notamment au National Film Registry, et est cité au 48e rang dans le classement des 100 meilleurs films américains établi en 2007 par l'American Film Institute.
Drame
Le Conformiste • Bernardo Bertolucci, 1970
Film franco-germano-italien, le Conformiste est réalisé par Bernardo Bertolucci en 1970. À travers la vie du jeune Marcello Clerici, un véritable récit politique se joue sous les yeux du téléspectateur qui peut y voir une analyse de l’adhésion au fascisme notamment motivée par des ressorts psychologiques, une violence vécue et une vie familiale tumultueuse. Ici, le gigantisme de l’architecture fasciste renforce l’ambiance austère du régime totalitaire.
Dogville • Lars Von Tiers, 2003
Dogville - capture d'écran BA © DR
Dogville raconte l’expérience d’une jeune femme en fuite, Grace, qui trouve refuge dans un petit village américain des Rocheuses. Les habitants du village consentent à l’accepter dans leur communauté en échange de quelques travaux manuels mais comme dans tous les films du réalisateur danois, la situation tourne mal, tandis que les services demandés se transforment en un ignoble esclavage. Si l’architecture est quasi-inexistante dans le film, le village a ceci de particulier qu’il est seulement figuré par le dessin de son plan au sol. Le tracé des murs est matérialisé à la peinture blanche, comme la seule structure de séparation entre les personnages alors que seuls quelques éléments matériels, dont la présence est justifiée par leur force symbolique, subsistent.
Deux ou trois choses que je sais d’elle • Jean Luc Godard, 1967
Zoom sur les grands ensembles dans Deux ou trois choses que je sais d’elle réalisé par Jean-Luc Godard à la veille de Mai 1968. Cruauté du capitalisme, platitude de la vie dans les grands ensembles, urbanisation à outrance de la capitale, Jean-Luc Godard met au jour pêle-mêle les enjeux de cette époque à travers l’histoire de Juliette, « ménagère » et prostituée, occasionnellement.
Romance
Un amour de jeunesse • Mia Hansen-Løve, 2011
Un amour de jeunesse - capture d'écran BA © DR
Sullivan est le premier amour de Camille. Elle n’a que 15 ans et l’aime pourtant d’un amour passionnel. Mais celui-ci s’en va en Amérique du Sud et cesse de correspondre. Elle le retrouvera quatre ans plus tard, adulte et pourtant toujours sous le charme. Entre temps, Camille s’est consacrée à des études d’architecture qui deviennent dans le film, symbole de reconstruction personnelle et d’ouverture à la collectivité. L’architecture du Bauhaus est souvent mentionnée et viennent nourrir une réflexion sur la profession, en plus de voyages à Berlin ou à Copenhague.
Les ailes du désir • Wim Wenders, 1987
Conte allégorique et merveilleux, Les ailes du désir raconte l’incarnation d’un ange qui renonce au ciel par amour pour une femme. Le film est tourné pour moitié en noir et blanc dans une atmosphère sombre, procédé choisi pour représenter le monde insensible tel que le voient les anges, moitié en couleur quand le désir humanise l’ange. L’architecture urbaine de Berlin, quelques années avant la chute du mur devient alors le théâtre d’un conte tantôt mélancolique, tantôt passionné. En 1993, le réalisateur a donné une suite qui se déroule dans Berlin réunifié.
Comédie
Mon Oncle • Jacques Tati, 1958
Villa Arpel, du film "Mon Oncle", au 104 © Jean-Christophe BENOIST (CC BY 3.0)
L’oncle, c’est M.Hulot pour le petit Gérard. M. Hulot est un personnage que l’on pourrait qualifier de rêveur et qui habite dans un quartier populaire de la banlieue parisienne. Le petit Gérard de son côté, vit dans une villa moderne et luxueuse, avec ses parents M. et Mme Arpel. L’architecture ici, sert de représentation contrastée entre deux formes d’habitats absurdes, d’un côté la maison-labyrinthe de M.Hulot, de l’autre, la maison moderne extravagante de la famille Arpel.
Play Time • Jacques Tati, 1967
On ne pouvait s’empêcher de vous recommander une seconde création de Tati, sortie 10 ans plus tard. Dans Play Time, le réalisateur raconte l’histoire d’un homme à la recherche d’un autre homme dans une ville futuriste nommée « Tativille », sans jamais parvenir à le trouver. Sans doute car la séparation des espaces est si présente, qu’il devient labyrinthique et que toute tentative de communication est vaine. L’architecture semble ainsi y être le révélateur et peut être aussi un élément actif de détermination des relations sociales de par son rôle structurant.
The Grand Budapest Hotel • Wes Anderson, 2014
Affiche de The Grand Budapest Hotel, Wes Anderson © Domaine public
Réalisé par Wes Anderson, The Grand Budapest Hotel relate l'histoire de M. Gustave, concierge à l'hôtel Grand Budapest situé dans le pays imaginaire de Zubrowka en période d’entre-deux-guerres. De style art nouveau et s’étendant sur pas moins de 10 000 mètres carrés, le palace rose bonbon où se joue l’intrigue est en réalité l’ancien grand magasin Görlitzer Warenhaus, œuvre de l’architecte Carl Schmanns situé à Görlitz en Allemagne.